Je vis et travaille à Londres (RU). Je peins, dessine, grave et pratique la gravure et le monotype. Mon travail se concentre sur la figure solitaire dans un cadre sauvage, qu’il s’agisse d’une forêt gelée ou du hall de réception impersonnel d’un hôtel. Les figures, souvent croquées sur le vif, sont simplifiées au point d’être grotesques, et une lumière violente les transperce, tels un flash douloureux ou une énergie destructive qui peuvent oblitérer le corps ou manger dans la chair.
Je peins en fines couches de peinture acrylique ou aquarelle, ce qui confère la caractéristique d’estomper les lignes et de détruire les contours pour suggérer une figure en mutation, vulnérable, et instable. Cette mutation ne se limite pas à celle interne à l’humain – elle est au-delà. Je transforme mes figures en du non-humain, choses hybrides et en taches, gouttes et formes abstraites. Que l’abstraction s’impose à une image représentationnelle m’est important car c’est une façon radicale de questionner l’identité de ces figures, et aussi parce que cela révèle comment le familier bascule dans l’étrange de telle sorte que le monde défini et lisible se trouve menacé par des formes sans nom. C’est une tentative de ressentir, masqués derrière le paravent du quotidien, la menace et le mystère. En dehors d’une série de dessins réalisé à l’École Occitane Calandreta ‘La Garriga ‘ (Gignac), lorsque j’arrivai à Lagamas je continuai de peindre de vieilles femmes faisant leurs courses (Shoppers), comme je l’avais fait à Londres. Mais il y a une différence entre les clientes françaises et les figures des supermarchés anglais. Mes clientes de supermarchés urbains dérivent dans un univers impersonnel alors que les femmes des marchés du Languedoc semblent faire partie d’une communauté soudée : suivant des traditions et rituels (de nourriture, cuisine et d’aller au marché) qui les lient au passé, à la région et les unes aux autres. Cela explique que ces figures apparaissent moins abimées et échevelées.
Ma technique de peinture au vif continue certes de simplifier et de transformer la figure, et cela est le cas aussi bien pour les nouveaux sujets en France que pour les femmes du supermarché. Mais, alors qu’il se peut que cela évoque toujours une forme de vulnérabilité, cette approche souligne aussi l’idée de solidité et de contrôle de soi. Cela remodèle ces figures en des êtres puissants et définitivement confiants, qui peuvent même être dangereusement agressifs dans leur autorité matriarcale.
Susie Hamilton, 2014
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